Littérature

La littérature, vous savez ce que c'est, vous ? Moi non. Un sculpteur fait de la sculpture, un peintre de la peinture, un écrivain, ça doit donc faire de l'écriture. Je ne pense pas que ce soit bon, pour un romancier, d'avoir une trop haute idée de la littérature, ou du roman, ou de la langue française. Ça paralyse. Ou plutôt non, ça pousse à une certaine facilité, comme de chercher la formule la plus jolie plutôt que la plus efficace ou la plus juste. S'il faut faire une faute de français pour mieux faire passer une idée, pourquoi pas. L'important, à mon avis, c'est d'être fidèle à l'image mentale qu'on cherche à faire passer.

Ecrire, ça peut être très rapide. Si on tape sur un ordinateur, et si on sait bien taper, c'est vraiment très rapide. Si on dicte son texte à quelqu'un on gagne encore un peu de temps, car l'un se concentre sur la frappe et l'autre sur la parole. Il existe des appareils qui permettent de dicter un texte à un ordinateur. Ce n'est pas encore complètement au point, mais j'imagine que ça doit permettre d'écrire encore plus vite. Bientôt, on pourra brancher directement l'ordinateur sur son cerveau, il écrira vos pensées en direct, en temps réel (à propos, qu'est-ce que c'est le temps imaginaire ?). On pourra alors voir a quoi ça ressemble vraiment, un monologue intérieur (le fameux stream of conciousness).

Lire et écrire, ça prend à peu près le même temps. J'exagère à peine : il a fallu (comme chacun sait) 53 jours à Stendhal pour écrire La Chartreuse de Parme, et pour un lecteur lent comme moi, c'est plus que le temps qu'il faut pour le lire. Quand on y pense, ça montre combien l'écriture est vraiment une activité de paresseux. Ou d'infirme : pensez à tous ces écrivains asthmatiques, épileptiques, poitrinaires.

Ecrire est une activité dont on ne devrait pas être fier, on devrait plutôt la cacher, comme un vice. J'ai toujours été étonné de voir que les écrviains étaient considérés comme des gens importants, dignes d'être écoutés ; à qui on demande leur avis : comme aux hommes politiques ou aux sportifs professionnels. Les artistes, les peintres par exemple, on ne les respecte pas beaucoup. Chacun pense pouvoir en faire autant (mais chacun garde bien évidemment cette pensée pour soi). Alors pourquoi les écrivains sont-ils adulés, admirés, comme des stars du rock ? Tout le monde, absolument tout le monde, peut écrire : il suffit de savoir parler.

Il se publie chaque année en France entre 300 et 600 romans et recueil de nouvelles. Si vous voulez lire tout ça, il faut que vous lisiez un ou deux livres par jour tous les jours. C'est proprement effrayant. Dans le même temps, on lit de moins en moins de littérature. Sur ces centaines de livres, seulement quelques dizaines trouveront des lecteurs. Le reste, zou, aux oubliettes ! C'est poignant. Je ne sais pas comment des écrivains trouvent malgré tout la force d'écrire.

Le pire, c'est que tous ces romans ne sont pas tous mauvais. Au contraire. Je lis rarement des auteurs contemporains (pas le temps) mais quand je le fais je suis généralement impressioné : originalité, style, émotion, regard sur le monde, tout y est. A peine peut-on reprocher un certain manque de souffle, d'envergure : 200 pages, cinq ou six personnages et un ou deux thèmes au maximum. Quoiqu'il en soit, le roman français se porte plutôt bien, non ?


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